DBCEMBRE 1593.                          545
grande salle.où il estoit, ils se trouverent tellement estonnés de sa presence, que la parole leur faillist ; et perdant toute contenance, nesceurent faire autre chose que se prosterner comme tous effraies en terre. Ge que le Roy voyant, ne se peust contenir de pleurer; et les relevant et embrassant la larme à l'œil, leur dit : « Mes a amis, je ne vous reçois point comme ennemis, mais c comme mes subjets; et vous embrasse tous de pareil « cœur qu'un bon pere fait ses enfans. »
Ge jour, pour emplastre de la nouvelle de Meaux, on amusa le peuple d'une grande desfaite de Turqs; dont y eust un Te Deum chanté à Nostre-Dame, et le lendemain par les paroisses.
Ge jour, une pauvre femme grosse venant de Melun, et passant par dessus le pont aux Musniers pour aller trouver le colonnel d'Aubrai, ayant esté recongneue pour, maheutresse, fust empeschée par deux ou trois coquins de musniers : l'un desquels avec son asne la rengea et pressa si bien contre une muraille, qu'au lieu d'aller trouver M. d'Aubrai, fust contrainte d'aller trouver son lit, où elle cuida finir ses jours.
Le dimanche 26 de ce mois, faux bruits à Paris de toutes les sortes : que le duc de Maienne s'en va; que le duc de Guise demeure; qu'on va restablir les Seize; qu'il y a quatre cens billets d'arrestés, pour chasser quatre cens politiques des plus apparans de la ville; que le duc de Maienne s'entend avec le Roy, et que c'est de son consentement que Yictri a rendu Meaux. Et autres telles baguenaudes et discours dignes de la cervelle d'un peuple.
lje lundi 27 de ce mois, un pauvre savetier demeu­rant en la rue de la Savaterie à Paris, parlant de Meaux 46.                                                   35
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